Généralisons les réseaux économiques coopératifs dédiés à l'innovation
Sommaire
- Exemple d'un réseau engagé dans la transition écologique
- Les raisons des nouveaux groupements économiques
- Mutualiser le risque et partager la valeur
- Profusion en France de ces nouveaux réseaux économiques
- Comme des groupements au fonctionnement évolutif
1. Exemple d'un réseau engagé dans la transition écologique
Nous en avions déjà parlé dans un précédent article, les premiers groupements professionnels nés à la moitié du XIXe siècle avaient su développer une synergie banque-industrie. Groupement agricole, foncier, industriel et commercial, ils organisaient chacuns leurs propres circuits bancaires en réponse aux besoins de financement des entreprises. Aujourd'hui, on voit naître des réseaux économiques professionnels qui reprennent ce schéma originel : ils sont à la fois des structures d'accompagnement et des véhicules financiers. Avec en plus une nouvelle caractéristique : leur souplesse permet de faire évoluer les règles économiques qu'ils se donnent ainsi que le rôle qu’ils octroient à leurs membres.
Par exemple, le réseau de financement intéressant du moment, engagé pour la transition écologique, est Time for the Planet. Leur slogan est « l'entrepreneuriat au service de l'urgence climatique», marque d'engagement pour leur vision fondée sur les objectifs environnementaux. Ce réseau développe ce qu’on peut appeler un financement actionnarial ouvert : des investissements sont proposés à une communauté d’acteurs afin de financer des solutions de décarbonation, de régénération des sols, d’optimisation énergétique, etc. Sous forme de campagne numérique, le réseau démultiplie son action en mobilisant des capitaux industriels et financiers et en nouant des partenariats utiles aux entreprises qu'il accompagne.
Avec pour moteur leur communauté d'adeptes, ils déploient ce qui s'appelle un effet-réseau afin d'accélérer à la fois le développement d'activité et le changement d'échelle des entreprises. Ils vont chercher à impliquer une diversité d’acteurs qui tous ajoutent de la valeur au réseau : entreprises, individus et associations, mais aussi organismes publics, collectivités et élus. Puisqu'ils sont hyper-connectés, ils ne s'organisent plus forcément par secteur spécifique ou par périmètre géographique. Pour cibler local et rayonner international, ce réseau économique nouvelle génération sait qu'il lui faut réunir des activités complémentaires, des savoir-faire et des apports divers qui seront utiles à la croissance des entreprises qu'il accompagne.
2. Les raisons des nouveaux groupements économiques
Ces nouveaux groupements économiques d'entreprises ont des atouts à la fois sur le plan juridique et financier. On pense à tort que des entreprises qui se regroupent doivent former un consortium ou une co-entreprise (à l'instar des grands groupes qui fusionnent plusieurs entités). C'est en fait plus simple et plus agile : un groupement n'est qu'un tissu de relations inter-entreprises qui représente des dynamiques de collaboration. Une entreprise n'a pas à ouvrir son capital pour intégrer un groupement. Pour donner une définition, un groupement se forme de facto pour réaliser une opération impliquant des parties prenantes à un objectif de valeur ajoutée.
Sur des logiques d'innovation, de production et de commercialisation, les groupements se créent quasiment à la volée. Par simple contrat de type société en participation, un groupement est formé pour, par exemple, mobiliser les capitaux nécessaires à un processus industriel, mettre en commun des ressources, réduire les coûts de production, partager des compétences et faire des économies d'échelle. Les entreprises forment fréquemment ces coalitions pour se créer des opportunité dans des relations de client-fournisseur, de sous-traitance ou de co-traitance. Elles alimentent et développent des dynamiques inter-entreprises comme de véritables de réseaux économiques.
Bien différents des structures rigides que sont les fédérations professionnelles, les chambres de commerce et autres corporations de métiers, ces nouveaux groupements économiques se distinguent par leur agilité. Pour continuer sur le secteur de l'industrie, il existe en France une myriade de jeunes entreprises innovantes, dont le savoir-faire et le développement technologique sont de véritables trésors. Les groupements sont des structures souples qui peuvent justement accompagner leurs besoins en phase de pré-industrialisation, pour le financement d'un site de production, l'innovation partagée et l'accès aux marchés internationaux.
3. Mutualiser le risque et partager la valeur produite
Le potentiel est immense car des dizaines de milliers de structures coopèrent déjà sur des sujets-clés : fabrication en France, décarbonation de l'industrie, production en circuit court, souveraineté numérique… Chaque groupement est spécialiste de son sujet et peut proposer une gamme de services spécifiques à ses membres. Aussi, tout groupement mobilise les capitaux et valorise les ressources adéquates pour ses membres comme s'il incubait des projets. Les groupements peuvent organiser leurs propres levés de fonds pour mobiliser des apports en numéraire, en industrie et nature. C'est un levier pour que les entreprises répartissent le risque et génèrent des revenus plus facilement.
Par exemple, la pépite industrielle Leviathan Dynamics développe une technologie de compression mécanique de vapeur pouvant déboucher sur des solutions de chauffage, de refroidissement et de traitement des eaux usées. En manque de moyens, cette jeune entreprise innovante avait un problème d'accès au marché pour se développer. Il lui fallait industrialiser son potentiel d'innovation afin de proposer une première application commerciale. Ce qui lui convient est un mode de financement plus « organique », c’est-à-dire moins porté sur des rendements financiers à court terme, mais plus sur la valeur des produits et des services vendus.
Pour sa première commercialisation industrielle, Leviathan Dynamics peut initier l'opération avec les parties prenantes de son groupement, afin qu'elles participent au risque et mobilisent les ressources adéquates. Sur la base d'un objectif de valeur ajoutée, chaque partenaire qui fournit un apport utile au développement de son produit touchera un dividende sur les revenus dégagés. Uniquement pour cette opération, sans ouvrir son capital ni générer de la dette, l'intéressement financier serait un excellent marchepied à la croissance de Leviathan Dynamics et gage de santé économique. Sur un schéma simple, le groupement sert de tremplin pour changer d'échelle.
4. Profusion en France de ces nouveaux réseaux économiques
Ces nouveaux groupements correspondent à divers réseaux économiques :
- Des tiers-lieux d’innovation comme le Liberté Living-Lab qui aborde les thématique de la santé, du médicament et de la transition agricole.
- Des fabriques à jeunes pousses comme 321founded dédiée à l'innovation des grands groupes et qui fonctionne sur un mode de co-actionnariat.
- Les studios industriels comme la ReFactory du groupe Renault qui va accélérer les efforts du groupe en matière d’économie circulaire.
- Des réseaux de financement comme Bim.finance qui propose un modèle d'investissement décentralisé spécifique à la transition écologique et l'industrie française.
- Les néo-syndicats comme le mouvement Impact France qui fédère les entreprises à impact ainsi que les entreprises en transition.
- Les laboratoires d'innovation publics comme le Lab de la Banque des Territoires qui répond aux problématiques de développement des territoires.
- Les réseaux d'acteurs comme le Collectif des Startups Industrielles qui inaugure un modèle de financement appelé « Fonds d’Amorçage Industriel à Capital Patient ».
- Le Plan de transformation de l'économie française du Shift Project qui développe un programme opérationnel de neutralité carbone pour les secteurs de l’économie française.
- Les réseaux d'écologie industrielle comme Ziri de la métropole bordelaise qui organise éco-système productif proposant une gamme de services écologiques aux entreprises.
- Les associations de consommateurs comme la Carte française qui propose un avantage financier pour l’achat des produits garantis français.
- Des incubateurs comme Les Canaux qui aident les acteurs de l'ESS à amorcer leur activité, trouver leurs premiers clients et des financements.
Ces groupements et écosystèmes sont essentiels car ils favorisent l’innovation collaborative et le travail en partenariat. Ils permettent de déboucher sur la création de nouveaux services et de nouvelles offres. Ces groupements d’entreprises offrent un mode d’intervention qui accompagne et finance les innovateurs, les ingénieurs et les entrepreneurs. Ils sont clefs pour la création de valeur des entreprises puisqu'ils rapprochent les acteurs sur des problématiques plus larges et peuvent tout autant s'appliquer à fédérer des dynamiques d'échange.
5. Comme des groupements au fonctionnement évolutif
Nous voyons que nous ne sommes plus dans les groupements de l’époque organisés par secteurs ou par filières, mais dans des groupements agiles et souples d'entreprises. Par leurs relations partenariales, les entreprises ont structuré pour elles leur propre organisation juridique et financière. Elles gèrent un organisme en tant que tel, une société en participation, qui valorise un capital commun et qui évolue à mesure du succès de ses opérations. Au fur et à mesure de son évolution, chaque groupement développe sa propre activité et maximise continuellement son potentiel de valeur au profit de ses membres.
Chaque groupement économique d'entreprises est à la fois un incubateur à projets, un fournisseur d'activité pour les membres et une plate-forme de financement. Il développe sa propre gamme de services qu'il vend, génère ses propres revenus commerciaux et en distribue une part à ses membres. Et toutes ces relations interentreprises libèrent une valeur mesurable comme un actif pour les entreprises partenaires du même écosystème. De façon autonome, ils financent des opérations multipartites, offrent une flexibilité opérationnelle ainsi qu'une répartition des risques, nécessaire à tout investissement.
Pour conclure, comprenons bien le fonctionnement d'un groupement : une entreprise qui intègre un groupement jouera toujours un rôle clé pour ce groupement et va détenir une participation sur les revenus totaux du groupement. Une entreprise qui intègre un groupement va l'enrichir par ses propres produits et services, permettant à ce dernier de dégager des revenus supplémentaires et de diversifier son activité. Réciproquement, le groupement va accompagner l'entreprise à se développer sur une opération spécifique, l'aider à dégager des profits et toucher une part des bénéfices générés par l'opération. C'est une situation gagnant-gagnant.